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lundi, janvier 31, 2011

Lundi à Ganvié








On m'avait dit : il faut aller à Ganvié,
la "Venise africaine sur le lac Nokoué au nord de la métropole de Cotonou. La vie dans des cases en bois bâties sur des pilotis, à plusieurs kilomètres des rives du lac peu profond."
J'y suis allée avec la pirogue 18, non motorisée, en 50 minutes, avec un tout petit petit batelier et un guide estropié. Nous avons même bu une béninoise au restaurant rouge,vu ce qui restait à midi du marché flottant et vogué rue des pêcheurs et rue des amoureux. Peut-être que le ciel était gris,je n'ai vu que des taudis sur pilotis. Je me suis demandé pourquoi ces 35000 personnes choisissaient de rester là dans la plus grande cité lacustre africaine, au milieu de leurs poubelles flottantes.Beaucoup de maison ont perdu leur toit et font figure de ruines désolées et pourtant ça grouille de monde.En effet ce lac est plus peuplé que n'importe quelle autre terre ferme du Bénin. La vie doit y être difficile,pourtant les enfants avaient l'air heureux et Bernadette Chirac qui n'est par contre jamais venue jusqu'à cette Venise caricaturale a offert au village une longue maison de la francophonie, encore en bon état. A mon humble avis les heureux administrés ont plus besoin de taules,de toits et de peinture que d'un musée artistique... Tous les habitants vivent de la pêche. Ils ont une technique bien à eux,plantant des branchages dans le lac peu profond pour poser leur filets.Dès 4 ou 5 ans,vous voyez les petits naviguer dans leur coques de noix maniant fort habilement les perches...et les avirons de fortune !

Wikipédia dit que "Son origine remonterait au XVIIIe siècle, à l'époque où des razzias esclavagistes ont poussé les populations de la région à venir se réfugier dans les marécages du lac afin d'échapper à un triste sort.
La population de Ganvié ne cesse de croître, et les maisons sur pilotis s'avancent de plus en plus profondément à l'intérieur du lac Nokoué. Dans ces villages lacustres,les conditions d'hygiène sont déplorables,car l'eau du lac n'est pas potable,et les tempêtes détruisent parfois des centaines de maisons.
Après avoir soigneusement entretenu six mois durant leur "acaja", le pâturage aquatique clôturé de fascines (assemblage de branchages pour combler les fossés, empêcher l'éboulement des terres, etc.) qu'ils possèdent sur le lac, les pêcheurs peuvent enfin procéder à la récolte. Il y a quelques années encore, les grands filets tendus pour l'occasion renfermaient suffisamment de poissons pour faire vivre toute leur famille pendant plusieurs mois." Par contre à l'auberge il n'y avait pas la moindre sardine grillée !
Sur le mur du café était écrit "Rafraichissez-vous la vie ici!". Moi j'aurais préféré rafraîchir les masures, nettoyer les canaux, repeindre les façades et reconstruire l'école mais comme Bernadette ne m'avait rien demandé !!! Je suis redescendue sur terre pour aller à Porto Novo.

Dimanche soir à l'Albatros



J’aime bien faire quelque chose de différent le dimanche. Jean Michel sait ça. Alors ce soir, j’ai demandé à Gilbert de me conduire au Livingstone une brasserie, populaire rendez-vous des expatriés, dans le quartier calme, huppé et chicos de la ville où je savais pouvoir déguster des cuisses de grenouilles - l'un de mes plats favoris- sur une terrasse bruyante encore mais bien ventilée !!! C’était un vent frais et des cuisses de grenouilles fraîches : un vrai régal !!!
Il y en avait à la provençale (ail et persil)ou à la dijonnaise (je vous laisse deviner !). Je les ai choisies à l’ail avec des frites et un quart de rouge. Oh la belle Ste Martine ! Cette date du 30 m’a fait souvenir qu’il y a 28 ans nous passions notre première nuit à "La Clé" (pour ceux qui ont connu notre maison magique à Issy-les-Moulineaux dans les années 84/94). Nous étions sortis dîner au restaurant pour fêter la Ste Martine justement, sainte patronne de la sœur de Michel, invités tous dans un bistro des Halles par un ami de la famille. Josette la femme d’Alain,frère de Michel, m’avait apporté, du sud,un brin de mimosa sachant que ce serait notre première nuit à « la maison » ! Nous devions, car il n’y avait pas encore d’escalier intérieur,rejoindre le premier étage par une échelle posée sur le rebord de notre fenêtre de chambre. Je me revois encore, la jambe déjà faible, grimper les marches précautionneusement, le mimosa entre les dents.

Allo Gilbert ?

Gilbert est ce Zem, ce garçon en mob,(66 56 89 04) qui m’avait emmenée il y a 15 jours au taxi brousse pour Ouidah- Grand Popo. Il avait discuté ferme les prix pour moi. Je l’avais trouvé super. Un peu lent peut être mais fiable. Je suis du genre fidèle. Je l’ai donc rappelé. Je voulais qu’il me trouve un cordonnier : il m’a menée très loin, très loin, à l’autre bout de la gigantesque ville pour ne rien y trouver. Nous avions oublié l’histoire de Paulo Cohelo, vérifiée 20 fois par tout un chacun, qui assure que tout ce dont on a besoin est dans notre jardin. Dans ce cas, ce fut vrai, car ce que je cherchais je l’ai trouvé dans la première rue à droite en sortant de l’auberge le lendemain ! Hélas pendant cette folle équipée (folle parce qu’inutile : mauvaise utilisation de la loi d’économie !), notre Gilbert perdit son téléphone portable. Tombé probablement de ses poches trouées ! Or que peut faire un Zem sans son numéro si ses fidèles clients ne peuvent plus le joindre ? Déjà que la mob n’est pas à lui et qu’il la loue 15000 fr la semaine ! Il était au bord des larmes et moi en bordure de compassion aussi le deale fut-il passé : si il pouvait récupérer son numéro, j’achèterais le portable (ça devient une spécialité !!!). Pas le moins cher (nul : celui qu’il avait avant qui ne tient pas la charge) à 10000fr. (15 euros), pas le plus cher, le solaire à 30000 mais le juste intermédiaire à 20 ! Contre quoi il me baladerait partout à la demande évidemment. Il a récupéré le numéro et donc pour la clientèle, j’ai fourni le médium ! Depuis, je le vois chaque jour et il m’apprend beaucoup. Ce soir il me disait par ex : «Si je pense avec mon cœur( sexe ?) oui je veux une copine, mais si je pense avec ma tête je sais que je n’en ai pas les moyens !». Comme beaucoup de jeunes il écrit et chante ses chansons et cherche un producteur pour son groupe de 8. Je lui ai conseillé de relever le nom des entreprises françaises au Bénin et me suis engagée à écrire la lettre qui pourrait motiver ces toubabs pleins aux as à en lâcher un peu .

Seul bémol

LE BRUIT! Le seul bruit auquel j’aurais pu m’attendre était le piaillement des bébés, les pleurs des nourrissons or je n’en entends pas. Je n’ai entendu d’enfants pleurer que si ils ont peur de moi ! Les bébés jamais séparés du dos ou du sein de leur mère ne doivent pas avoir de raison d’avoir peur, ou faim ou froid dans ce climat ; ils ne pleurent pas. Je viens d’en voir un (7 mois peut être) accroché à sa mère accrochée au père sur une mobylette, tête nue, bouche grande ouverte à aspirer la poussière et le vent tout content! Mais j'entends tous les autres bruits. Il y en a tout le temps, partout, jour et nuit, les pétarades des mobs, les klaxons des voitures, les crissements de freins, les tam-tams, les braiments des ânes, le caquètement des poules,le réveil matin bien remonté des coqs, les bêlements des brebis ou des biques, les hurlements des chiens, les bagarres des chats, le piaillement et le hululement des oiseaux, la radio à bloc, la télé à fond, les deux ensemble, la musique au max, partout. Dans le bus par exemple, 22 heures durant sans une minute de répit même la nuit, des chansons, du reggae, des rires, des bruits de casseroles, de chaises qu'on ruse, les cris des enfants, les appels des marchands, les cloches de l'église et le pire : l'appel à la prière, les cris de guerre à 4:30 du matin... J'en laisse. Jamais je n'aurais cru pouvoir supporter autant de bruits en même temps tout le temps. Mais j'y arrive. j'en fais un exercice : je ne suis pas mes tympans! Je dis oui à ce qui est !. Toujours une boule Quiès en fond de poche quand même au cas où j'exploserais !!!

dimanche, janvier 30, 2011

Mon afrique de l'Ouest













Je vais bientôt quitter l’Afrique de l’Ouest.Je vais certainement quitter une certaine Afrique parce qu’il me semble, pour le peu que j’en ai vu, que le continent est tellement vaste qu’il est trop vaste pour être décrit, appréhendé, aimé à sa juste valeur. Il y a tant de gens, tant d’enfants, tant d’ethnies, tant de langues, tant de pauvreté, tant de richesses, de couleurs, d’odeurs, de bruits, de musiques, de danses, de déserts, de brousses, de savanes, de vieux arbres que bien que je n’ai fait que traverser,en passant, cinq pays (Sénégal, Mali, Bénin, Togo, Burkina Faso) il me semble que j’ai croisé des mondes infinis. Et c’est devenu mon Afrique. J'ai bien cru que j'aimais le Sénégal,et la plage de Cap Skirring reste une des plus belles plages que j'ai jamais vue, mais voilà que j'ai encore préféré le Mali. J'ai bien cru que j'aimais le Mali mais voilà que j'ai préféré encore le Burkina Faso, si c'est possible... Ainsi de suite à force d'ici et maintenant. Ça n'a fait qu'aller crescendo. Une suite de bonheurs ininterrompus. A cause des gens principalement. A cause des Africains que j'ai eu le bonheur de croiser. Je me demande bien si,de l’autre côté, je trouverai des Africains comme ici.


Ce qui m’a le plus frappée? Forcément la lumière, la lumière partout, le soleil en direct,le soleil auquel il est si difficile d’échapper. Il vous inonde, il vous prend, il vous accable, il vous nourrit, il vous terrasse : vous ne pouvez qu’accepter de vous jeter dedans, de lui faire confiance. Tant pis ! Je n’ai finalement jamais ouvert les tubes de crème solaire indice 50 ! je lui ai dit : "Crame moi si tu veux, ce qui m’intéresse derrière cette chaleur, c’est ta lumière. Qu’elle me pénètre avec l’énergie qui va avec !".On en est resté là. Pour le moment il ne m’a pas donné de coup malgré les heures en mob,sans casque,sans chapeau.

Je ne voulais pas trop venir en Afrique.J’avais peur d’un je ne sais quoi. En taureau pratique je n’ai pas l’imagination fertile. Je restais à ruminer des clichés éculés. Peut être qu'il n’y avait pas de routes, peut être n’y aurait-il pas de bus. Peut-être que personne ne m’aiderait là- bas et que je serais seule dans la brousse en nage et loin de ma famille!!! Mais depuis je sais mieux ce qui se passait. Un homme à Bamako m’a raconté cette histoire. Disons qu’il s’appelle S. Ses amis lui disaient qu’il devrait rencontrer un certain P. Mais la rencontre ne se faisait jamais. Pour des raisons diverses S et P se manquaient de peu mais se manquaient toujours. Puis vint ce jour où son amie dit à S : "On t’emmène en pique nique et tu rencontreras enfin P". Je ne vais pas vous raconter tous les détails de qui faisait quoi mais S. a dit qu’il cherchait un disque dans une pile (c’était le disque favori de P en fait mais bien sûr il ne le savait pas encore), puis il est descendu. Au moment où on allait enfin lui présenter ce P mystérieux, S a dit avoir eu un moment d’arrêt et le temps de se dire : "Retourne toi très lentement,ensuite ce sera trop tard : le cours de ta vie sera bouleversé". Et ce fut le cas. Plus qu’un coup de foudre, une évidence, une conscience, des retrouvailles. Le premier regard, le seul, avait tout changé. Eh bien moi et l’Afrique c’est un peu pareil. Ce n’est pas de l’ordre du coup de foudre. C’est de l’ordre de la prise de conscience. D’un amour profond tapi là depuis longtemps et que j’aurais bien évité de retrouver cette vie ci. Un amour qui empêchera que ma vie soit pareille. Parce que là dans le berceau de l’humanité, m’a été rendue une part de la mienne. Je ne cherche que l’Homme dans ce voyage. Je veux bien visiter un musée, faire le chemin du retour, admirer le baobab, faire un safari même mais ce que j’attends, c’est l’indigène, l’homme, la femme et l’enfant du pays. Et ici, fondus dans leur paysage, sous ce soleil de plomb, au milieu des palmeraies ou dans les herbes rases, je les trouve en abondance. Il se peut qu’ils aient plein de défauts mais je ne parviens pas à les voir sachant par expérience que les défauts et les qualités sont tous deux le fruit d’une même énergie plus ou moins bien gérée. Ils sont indolents, peut –être, mais ils sont patients, ils sont lents peut être mais ils sont endurants, ils sont enfantins peut être mais ils sont fervents, etc.etc. Ils s’adaptent. Ils ne pensent pas trop, ils attendent beaucoup. Ils n’utilisent pas le temps comme nous en le faisant passer, en s’agitant, ils attendent que le temps les utilise, les mette en mouvements et alors ils sont forts, courageux et présents. Moi qui n’ai qu’une idée celle d’apprendre à aimer, j’en apprends beaucoup ici. De leur religiosité, de leur façon de faire de l’unité avec tant de diversité. J’ai lu le très beau livre "Ébène" élu en 2000 comme le meilleur livre de l’année par la rédaction de Lire (d’un journaliste polonais, Ryszard Kapuscinski,1932-2007). J’ai eu cette chance de voyager aussi avec lui, à travers lui. Grâce à lui, j’ai pu m’expliquer plein de choses. Pourquoi toutes les palabres se tiennent dehors sous le manguier et pas dans la maison? Parce que la case est petite, sombre, exiguë, qu’il n’y a de place là que pour dormir à même le sol battu, sur des nattes dans la nuit noire.

Pourquoi les gens ne se disputent pas après le coucher du soleil ? Parce que lors d’une discussion, il faut voir le visage des gens qui s’expriment pour savoir où ils en sont de leur colère et que la nuit on ne peut pas voir ces nuances, alors la suite de la querelle doit attendre le matin. Pourquoi les gens marchent-ils toujours en file indienne, en silence, attentivement. Parce que la roue n’a pas existé en Afrique pendant des millénaires. le continent était trop vaste. Il y avait peu d’échanges. Sans échanges pas de progrès. Pas de véhicules à roues, pas de routes. Seulement des pistes, des pistes sans fin qui se croisent, se coupent, et nous égareraient. La chaussée, le plus souvent en terre battue (la latérite), parfois en asphalte(le goudron) est récente ici, alors les Africains n’ont pas changé pour autant leurs habitudes de marcher à la queue leu-leu même sur la route large,et de guetter le serpent en silence... De toute façon pas facile de discuter en file indienne… Par exemple. Et en contre bas du goudron, à perte de vue on en voit sur ces sentiers marcher, marcher, marcher(les femmes surtout,l’enfant endormi dans le dos)d’un pas mesuré, régulier, tranquille, adapté, avec sur la tête des charges inconcevables, des jerricanes d’eau, des fagots, des sacs de grains, des régimes de bananes, des piles d’ignames. Qu’est ce que c’est beau ! Je pourrais aussi bien dire qu’est ce que c’est sacré, qu’est ce que c’est divin, cette « fusion avec l’environnement », cette résignation aux circonstances extérieures, cette noblesse de port et cette jeunesse de cœur. Car la lumière, elle est aussi dans les regards. Qu’est ce que je les trouve beaux les gens en Afrique ! Comme s’ils prenaient le temps de l’être. Ils n’ont rien et font comme s'ils avaient tout. Ça me bouleverse. C’est comme si la foi les illuminait. L’espérance d’un lendemain meilleur les tient. Ils prient en vrai, comme des enfants peut être(en tous les cas comme moi,je priais enfant. Ils demandent. Et ils y croient et ils attendent. L'Africain sait qu’il est menacé de toutes parts, il est incertain du lendemain (trop de pluie, pas assez), il a à lutter sans arrêt. Il ne sait quasiment jamais d’où viendront les 200 Frs pour le riz du soir mais il y croit.


Il est bien rare de voir une jeune femme sans un bébé accroché à son dos. Celle-ci avait 3 paires de jumeaux (5 ans, 3 ans, 6 mois). Quand l’autocar s’arrête pour en laisser une femme descendre comme c’est beau de la voir attacher son enfant à l’aide de son foulard en percale parfois assorti à son boubou. Elle se penche en avant avec une grâce extrême. Alors le bébé qu’elle a sorti du sein et qui ne se réveille même pas est allongé à plat ventre sur sa colonne vertébrale, elle noue le devant en un geste rapide et sûr emprisonnant le bébé aux aisselles, puis se redresse. Le petit de l’homme est maintenant debout, suspendu! Elle serre alors le tissu sous ses fesses qu’elle remonte de façon à l’asseoir et à ce que ses petits pieds dépassent sur le devant sous ses bras à elle, puis elle noue fermement le siège à la taille, prend l’autre, ou les deux autres enfants, à peine plus grands par la main et en dernier, pose sur sa tête l’énorme bassine remplie de ses affaires (la bassine peut tenir lieu de valise quand on n’en a pas) ou de la marchandise à vendre et elle descend, élégante, naturellement racée. Ça me fait pleurer de bonheur toute cette beauté en liberté.

Mais il y a plein d’autres choses : leur culte des ancêtres, leur religiosité parfois tellement superstitieuse, leur sens de la famille, leur faculté de partage, leur humour désopilant, leur façons de dire « présentement » ou « vouâlà ». Entendu dans le bus d’une maman qui achetait un yaourt sur le bas côté lors d’un arrêt pipi : «Tu vois le lait c’est Dieu qui te le fait et quand il est vieux Il te le caille ».( !!!). Quand je dis à Gouty que Ouaga s’agrandit vite : «la ville tu vois, elle cherche son petit chemin de plus en plus loin ». Les hommes savent ici que c’est l’homme qui fait l’Homme, alors, dans le bus, mon voisin dit : « l’Homme naît de la main de l’homme, il est enterré par la main de l’homme. Entre les deux sans un coup de main d’un autre homme, l’homme ne peut rien faire». Simple et précis!


Mais je ne peux pas vous dire ce que je voudrais. Je n’ai pas les mots pour. Ma culture tellement européenne ne me permet pas de comprendre, je ne peux qu’appréhender, qu’effleurer et qu’aimer ce qui est là, offert. Je touche beaucoup de choses qui me semblent profondément justes, au moins dans le fond si ce n’est dans la forme, alors forcément, moi qui essaie depuis tant et tant d’années de voir en vrai, de voir la beauté de l’esprit derrière la forme, d'investiguer profondément les liens entre le visible et l’invisible, ici je suis gâtée. Aussi c’est moi qui suis, en réalité,touchée. Ça va encore paraître à certains exagéré( un grand maître de la voyance vaudou vient de me dire pendant la conférence que ceux qui pourraient être mes amis me trahissaient toujours, transformaient sans cesse mes propos et mes dires pour me nuire !). J’ai dû le mériter! Et pourtant c’est ma vérité : j’ai du mal à savoir si je suis blanche ou noire à l'instant présent. Ça ne veut plus rien dire.ce que c'est que de travailler des années sur l'identification !!!
"Mais forcément tu es blanche Anne, parce que tu ne connais rien de ce que les Noirs connaissent,tu ne sais pas marcher dans le noir.Sans ta lampe frontale tu te crois perdue! Tu ne sais plus rire à gorge déployée (une mamie dans le bus, a dit à un enfant qui se moquait d’elle en triant : "Hé, toi là !Cache tes dents!").
Anne,tu ne sais pas ronger les os, on l’a vu à Gaoua, tu ne respectes pas tes ancêtres, tu ne connais aucun nom d’arbres à part "palmier", "baobab" et "manguier", "argousier" à la limite! Tu n’as aucune idée de la profondeur de la jungle, tu mourrais de soif dans un désert, tu te perdrais sur l’interminable sentier de brousse, tu ne connais pas un seul dialecte, tu n’as même pas de pieds pour danser. …. Heureusement tu es plus tressée que stressée.
Heureusement tu as le même Dieu qu'eux, le même sang et un cœur qui s’entraîne à battre au rythme du monde entier.
Heureusement tu fais ce que tu avais dit que tu ferais : tu apprends à aimer. J’essaie de te rendre le travail facile.
Heureusement tu es venue me voir, me montrer que tu m’aimais d’avance et me dire merci, jusqu'ici. Cherche encore dans le beau regard de mes Hommes."
Voilà ce qu’elle me dit l’Afrique de l’Ouest que je quitte pour le Gabon. Si le racisme ne fait pas que l’on me refuse le visa ! Puis pour l’Afrique du Sud, puis pour l’ Afrique de l’Est… Heureusement je pourrais revenir in this beautiful West AFRICA en plein réveil.

L'Ancrage de l'Océan




J'avais l'adresse de cette auberge sise à Fidjrossé,à 4kms du centre de la ville mais pas loin de la route des pêches donc près de la mer, où j'étais déterminée à me rendre car j'en aime particulièrement le nom. J'ai osé appeler vers 21H30 le propriétaire pour annoncer qu'au train d'enfer où nous allions, je serai à la gare routière vers 2 heures du matin, prête à y attendre le lever du jour. Il m'a assuré qu'il valait mieux que je vienne à l'hôtel et qu'il m'enverrait d'ailleurs un chauffeur de taxi. Isidore n'a pas mis longtemps à me repérer et une demie heure après j'étais dans un bon lit ! Monsieur Koffi, et j'en étais gênée, m'avait attendue pour me souhaiter malgré l'heure tardive la "bonne arrivée". Ce béninois charmant et cultivé qui a vécu longtemps en Europe,en France puis en Allemagne,a même travaillé avec Jean Louis Barrault qu'il dépeint comme un être vraiment remarquable. Il est revenu dans son pays dans les années 90 et offre ici un refuge agréable à un prix raisonnable (15 euros la nuit). Archi propre. Simple avec une cour intérieure ombragée. le seul inconvénient : "Le Rv des Stars", un maquis qui vient de s'ouvrir à côté et qui nous inonde de sono amplifiée jusqu'à une heure trop avancée. Mr Koffi très arrangeant parle de me changer de chambre... J'y passe ma 3ème nuit et resterai là je pense jusqu'à mon envol au Gabon, jeudi. La plage est à cent pas mais le cyber à deux. J'ai donc pu mettre le blog à jour et je vais même prendre le temps aujourd'hui, dimanche 30 janvier, de faire le bilan de cette Afrique de l'Ouest que j'ai tant appréciée.

Ouaga- Cotonou








Sans avoir à soudoyer le commis j'ai été, vu l'heure à laquelle je me suis pointée pour un départ à 6h, bien placée, au 1er rang derrière le chauffeur, près d'un homme d'affaire jeune qui se rendait au Bénin et voulait absolument un siège pour son précieux porte document de cuir parfaitement ciré. Il semblait connaître le chauffeur qui le lui a accordé. Me voilà donc garanti un siège entre nous non envahi par des triples fesses.
Le chauffeur m'ayant confié son oreiller j'étais on ne peut mieux parée pour l'aventure. Comme je suis la seule blanche,je ne passe pas inaperçue et chacun vient m'offrir quelques friandises ou un fruit. Que c'était beau de descendre le Bénin depuis tout là-haut ! Frontière facile à passer pour moi et pour tous en ce qui concerne passeports ou pièces d'identité, mais pas pour tous à l'étape suivante : le contrôle santé car ceux qui n'étaient pas vaccinés contre le fièvre jaune (vaccin obligatoire pour entrer au Bénin) et il y avait dans le bus une dizaine de musulmans qui ne l'étaient pas,devaient l'être ou ne pouvaient passer. Mais voilà que c'est payant : 3000 fr, presque 5 euros, alors évidemment surtout s'ils voyagent en famille les burkinabés refusent. Alors que faire ? Certains ont fini par dire oui. Les autres se sont enfuis, ont cavalé devant et on les a récupérés du côté béninois, sauvés pour cette fois ! Mais avant la frontière il s'était passé deux choses extraordinaires. D'abord sur la route, alors que nous avions dépassé Fada de 30 kms il y avait nos trois cyclistes préférés suant sang et eau sous leur casque qui pédalaient en direction de Cotonou... C'était super. Le chauffeur,sur ma demande, a klaxonné joyeusement, on les as applaudis et acclamés ! Bien que les gens ne comprennent pas bien à quoi, à qui ces 28000 kms d'Afrique à vélo sous un soleil de plomb pouvait servir ! Un peu plus loin une horde d'éléphants sauvages se baignaient dans une large rivière ombragée. C'était splendide à voir : du safari comme je les aime. J'étais tellement émue que je n'ai pas songé à ajuster l'objectif ! J'espère que nos Fausto Copi les aurons vus aussi à une heure près.A chaque pause- pipi j'ai du mal à me convaincre que je pourrais - comme les autres soulèvent leur jupe - baisser culotte sur le bord de la route devant les voyageurs mais je ne m'y résous pas. Il me faut chercher un abri. Avec les herbes rases ce n'est pas facile. Alors je "tiens" des heures ! Heureusement ici on s'est arrêté pour acheter des ignames et moi je suis allée me cacher la -haut, derrière la maison basse et chaumée. Dur pour le pied d'y grimper.

La nuit Gouty





Bien sûr Gouty était à la gare routière pour me récupérer à 13 heures, plus riche en sensations et en souvenirs que je n'étais partie, mais ces bagages là je me les garde. Nous avions fort à faire pendant ce dernier après midi au Burkina Faso : aller au Pavillon vert prendre une douche froide mais avant aller récupérer les sandales commandées sur mesure, aller chercher une robe fluide et sexy que,hélas, le tailleur n'avait eu le temps que de découper ayant occulté la date de mon départ ! Nous l'avons emportée en morceaux, à assembler ailleurs, à l'étranger ! Ouf, nous voilà "à la maison" dans le jardin ombragé du pavillon prêts à nous brancher en wifi devant un panaché glacé.
Le lendemain matin je dois être à la gare routière à 5h du mat surtout si je veux avoir une bonne place à l'avant pour le long voyage qui me ramène à Cotonou en une vingtaine d'heures. De là où il dort, ça oblige Gouty à se lever vers 3H30. Je lui propose donc de rester dormir sur place dans ma chambre si il veut. Nous venons de passer une semaine ensemble et nos relations super amicales rendent envisageable cette proximité de quelques heures qui va lui permettre de dormir plus longtemps et même de revenir faire une grasse matinée sur un vrai matelas ce qui ne semble pas être une expérience qu'il ait souvent faite ! Il accepte. Je me couche la première pendant qu'il palabre avec les employés de l'hôtel en fumant une cigarette. Il rentre vers minuit, il se couche. Comme j'appréhendais malgré la clarté de mon discours une tentative d'approche je suis toute ouïe quand il me dit qu'il s'interroge, il se demande si au lieu d'une nuit de repos ça ne pourrait pas être une nuit de plaisir. Non ca ne peut pas. Pourquoi. Différence d'âge ici n'existe pas. Il pensait que je l'aimais bien. Je dois avoir peur de ce qui pourrait arriver! Aimer bien n'est pas désirer que je sache ! Lui pourtant s'est attaché à moi. La conversation s'arrêtera là. Il avait la solution de s'endormir vite et sur son "bord" ou de dormir sur la pelouse confortable aussi si le sacrifice exigé de son beau corps lui paraissait trop grand. Sa réponse, en se retournant a été magnifique:" tu parlais l'autre jour du conflit des génération et bien toi, tu ne fais rien pour les arranger". Sur cette envolée, au bout de 3 minutes, il ronflait!!! A 4 H45 nous traversions libres comme l'air un Cotonou désert.

De Gaoua à Ouaga

Il faut toujours partir . En rentrant de chez les orpailleurs notre mob a de nouveau perdu l'air de la roue arrière . Nous ne pouvions rentrer comme ça . j'ai fait du stop et suis tombée sur une vieille mobylette avec un porte bagage pour enfant . Je ne vous dis pas l'état de mes fesses et de mon dos après 15km de piste cahotante..je suis arrivée morte ! heureusement il y avait du gingembre fraîchement infusé et du bissap à volonté et à nouveau les restes de poulet à ronger proprement cette fois ! le lendemain matin , le mercredi 26 , je prenais de nonne heure le bus pour Ouagadougou que j'aime appeler Ouagadoudou! J'étais devant . Bien placée pour voir la route , enfin ce que je pouvais en voir car avec toutes ces décos , il faut avoir une vue basse !

Les orpailleurs






Rien à voir avec l'ambiance agricole quasi lascive du marché de Doudou qui se tenait à 10km en amaont . Ici c'est un autre monde. Celui des chercheurs d'or. Nous pourrions être en Amazonie, en Guyanne . La fièvre de l'or a gagné les regards . Les gens ( des milliers) sont agglutinés dans un immense et sordide bidonville de taule , de paille tressée et de jute comme si peu importaient les conditions matérielles actuelles . Quand ils auront l'or, quand ils seront riches , alors là on verra , les misères seront loin derrière . Ils auront un palais à Gaoua . Les enfants traînent dénudés et sont plus gris de poussière que noirs de peau. Pas de temps pour l'école . Les femmes tiennent les caboulots où la nuit venue la bière de mil coule à flots , elles cuisinent par quartier, s'activent , espèrent . Les hommes portent sur le dos les lourds sacs de graviers, les broient avec de gros engins qui font un infernal tintouin . Il en sort une pâte, une poussière épaisse qui mélangée à l'eau devient de la boue alors arrosée et filtrée sur une toile qui garde les brins ou la poussière d'or alors que le reste est rejeté dans un trou creusé juste devant le tobogan . Cahute après cahute c'est la même chose . Le même espoir fou . La même agitation. Chacun travaille pour soi. Il n'y a pas beaucoup de touristes qui s'aventurent ici . Mais comme je suis avec Irène de la maison de Vourbika , j'ai même le droit de faire des photos . a la limite on a peur de déranger . Le rythme est soutenu. Ici on travaille nuit et jour. Ca ne s'arrête jamais. La fortune n'attend pas. On ne prendrait pas le risque de la laisser passer. Des cigarettes, des grands containers de nescafé et la gnac tiennent les gens éveillés . Quand ils n'en peuvent plus, ils s'affalent à même les sacs de pierres empilés . On ( = je ) a peine à croire que ce soit vrai tant c'est surréaliste. On voudrait demander " De quel film est-ce le décor ? " Mais c'est une réalité de chaque jour . Un mode de vie . Ils vivent là, mêlés, chrétiens , animistes, chrétiens, des années parfois, en campement . Certains gagne très gros . "Des millions" Les autres rêvent d'en faire autant . Et pourquoi pas en effet . Tant qu'il y aura de l'or danse cette carrière ....