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jeudi, novembre 10, 2011

La Dette

"Aujourd’hui, nous payons trente-cinq ans de mensonges…"

François de Closets, le célèbre journaliste qui dénonce les abus, est furieux…«  d’avoir eu raison trente ans trop tôt  » : «  En 1992, j’ai commencé à
dénoncer le  dérèglement des finances publiques. Aujourd’hui, nous sommes
arrivés à l’échéance fatale », dit-il, accusant les hommes politiques de totale
irresponsabilité. Pour lui, notre pays est en grand danger, et il s’offusque :
« Qu’un pays comme la France, avec autant d’atouts, soit au bord de la
faillite, ce n’est pas concevable !
France Soir  La France est réellement au bord de la faillite ?
François de Closets Oui, et je suis fou de rage d’avoir eu raison dans mes
prédictions. Je me suis toujours dit « Pourvu que j’aie tort ! » On me traitait de
pessimiste… Mais cette fois, nous sommes bien au pied du mur.

F.S. Que faire ?
F. C. Il faut arrêter de mentir aux Français ! Nous payons l’addition de
trente-cinq ans de mensonges politiques et de laxisme budgétaire. Résultat :
c’est 70 milliards d’euros qu’il faut aujourd’hui trouver pour éviter la faillite. Et
cela, on le sait depuis 2005. On n’a rien fait. Maintenant, on y est.
F.-S. Nos hommes politiques savaient réellement que la France allait
dans le mur ?
F. C Evidemment ! C’était écrit dans les rapports officiels, oui, et dès 2005.
Maintenant, la France ne doit pas trouver 10 ou 20 milliards d’euros, comme on
nous le dit, mais 70 milliards pour retrouver l’équilibre budgétaire et combler
son déficit chronique. L’échéance fatale était prévue pour 2014. Elle est venue
plus vite que prévu parce que la crise financière est arrivée là-dessus.
F.S. Comment en est-on arrivé là ?
F. C. C’est une responsabilité partagée de la droite et de la gauche. Chirac et
Jospin ont renoncé au sauvetage de nos finances dès 1999, par pure
démagogie, alors qu’ils en avaient les moyens financiers… En 1997, avec 4 %
de croissance, avec le pétrole bradé à moins de 20 dollars et les taux d’intérêt
les plus bas, la France avait les moyens de rembourser sa dette. Elle avait des
rentrées fiscales providentielles, avec environ 40 milliards de francs
d’excédents. DSK, ministre des finances de Jospin,  voulait affecter ces
excédents au remboursement de la dette, mais il n’osait pas le dire. Il avait la
« rigueur honteuse ». Là-dessus, le président Chirac repère ça et, le 14 juillet,
patatras, il révèle aux Français qu’il y a une « cagnotte » ! Il décide alors de
distribuer cet argent aux Français, avec la complicité de Jospin, qui ne
demande pas mieux.
F.-S. On a donc raté le coche du désendettement ?
F. C. Exactement ! Au moment où la France pouvait enfin rembourser ses
dettes, l’Etat a tout flambé ! Et ce n’est pas la seule occasion manquée. Avant
cet épisode, sur les 100 milliards d’euros recueillis lors des privatisations des
grandes entreprises, 20 milliards seulement ont été  affectés au
désendettement. Le reste a servi à mettre du beurre dans les épinards…
Même chose quand l’Etat brade son patrimoine immobilier. Pour parler clair, les
gouvernements ont vendu les bijoux de famille pour boucler les fins de mois.
F.-S. Pourquoi, subitement, c’est la panique générale ?
F. C. Parce qu’il y a deux crises qui s’additionnent, et cela ce n’était pas prévu.
Il y a la crise des finances publiques, dont nous venons de parler, et maintenant
la crise financière, qui se préparait dans l’ombre, et qu’on n’avait pas prévue.
Les responsabilités des politiques et des banquiers se sont ajoutées l’une à
l’autre. Les uns ont nourri les autres. Depuis trente ans, les politiques ont fait
du clientélisme, en laissant la France vivre très au-dessus de ses moyens. Et
les banques ont tiré profit de la dette pour spéculer et aggraver les choses. Le
laisser-aller de la finance publique et la perversion de la finance privée nous
ont amenés là où nous en sommes. Et comme les politiques sortent des
mêmes écoles que les banquiers, tout ce petit monde s’est très bien entendu.
F.-S. Comment se sortir de ce bourbier ?
F. C. On a trop longtemps fait croire aux Français que le déficit assurait la
croissance et l’emploi. En réalité, il faut savoir dire non, entre « toujours plus »
de dépenses ou de revendications et des recettes forcément limitées.
F.-S. Il est déjà trop tard pour agir ?
F. C. Non ! Mais il faut mobiliser tout le pays, tout de suite. Cela exigera « du
sang, de la sueur et des larmes ». Nous sommes dans  une économie de
guerre. Ce doit être l’occasion de redresser la France, comme en 1945. Les
Français en ont assez d’être trompés. Ils veulent un langage de vérité, même
s’il est très dur. La crise financière de cet été a obligé le gouvernement à faire
un pas, mais un tout petit pas seulement. Les Français sont assez mûrs pour
comprendre et accepter les choses. Ils veulent qu’on les sorte de là.
F.-S. Les candidats à la présidentielle de 2012, vous convainquent-ils ?
F. C. Pris de court, ils promettent aujourd’hui le retour à l’équilibre, mais c’est
un pur mensonge. Ils n’osent même pas utiliser le mot « rigueur » et encore
moins « austérité ». Ils se moquent de nous ! Rien dans leurs programmes ne
permet vraiment d’agir. Il faut prendre des décisions radicales, qu’il faut
emprunter à la gauche comme à la droite : interdire les déficits, surtaxer les
hauts revenus, beaucoup plus qu’actuellement, briser  l’économie de
spéculation et encadrer strictement l’activité bancaire. Mais de l’autre côté,
nous devons contrôler les prestations sociales et lutter contre la fraude qui
coûte des milliards à la France, encadrer le droit de  grève, remplacer
seulement un fonctionnaire sur trois dans la fonction publique territoriale (dans
les mairies, les embauches et les dépenses ont explosé !) et supprimer
totalement – et sans reculer – les niches fiscales qui représentent des dizaines
de milliards d’euros… Halte au clientélisme et aux bons sentiments.
F.-S. Les Français sont-ils prêts à accepter de telles mesures ?
F. C. Aujourd’hui tous les Français ont peur, tous les Français savent qu’on est
face à l’échéance. Ils voient aussi ce qu’on fait à l’étranger. Ils voient ce qui
arrive à l’Espagne, à l’Italie et à la Grèce. Quel Français croit encore qu’on va
y échapper ? Certains pays, comme l’Allemagne, l’Angleterre ou le Canada, ont
pris en temps et en heure les mesures nécessaires, et ça a payé. En France,
on est à des années-lumière de ce qu’exige la situation. Il faut s’attaquer
simultanément au système financier et au système étatique.
F.-S. Peut-on réellement s’attaquer aux dérives financières ?
F. C. Avec de la volonté, oui. Il faut séparer clairement la banque commerciale
(celle des particuliers) et la banque de marché (spéculatif). Car aujourd’hui, vos
petites économies subventionnent la banque de marché. Les Anglais sont en
train de le faire. On peut réformer aussi le système bancaire en taxant les
opérations financières et en cassant la spéculation. Savez-vous que la moitié
des ordres de Bourses sont envoyés automatiquement par des ordinateurs en
continu, au millième de seconde. C’est le Casino ! Il n’y a aucune raison pour
que la valeur d’une entreprise change plusieurs fois au cours de la journée.
Problème : en France, les banquiers sont tellement puissants qu’aucun politique
n’ose les contrarier !
F.-S. En conclusion ?
F. C. Cette fois, la France est face à son échéance fatale. Sans courage
politique, on va à la catastrophe. Ce ne sont plus des mots ni des prévisions.
C’est vraiment la dernière échéance.
Par Jacques Hennen  et Patrick Meney
Paru dans France soir

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