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samedi, juin 13, 2009

Mon frère








Je n'ai qu'un frère , un petit frère devenu grand. Je me demande d'ailleurs comment.
Parce qu'ils ( les parents ) l'ont laissé, ici et là, grandir tout seul . Un orphelin nomade en quelque sorte . Le pire c'est qu'il y avait aussi notre petite sœur dans cette galère . J'avais 4 ans de plus que lui et 5 ans 1/4 de plus qu'elle. J'allais en bicyclette les voir chez les bonnes sœurs de St Barthélémy où ils étaient, à 4 et 3 ans, déjà pensionnaires. Nous en avions eu d'autres méchantes nounous avant. Je n'avais que 18 jours quand, pour mon bien très certainement , mes parents me confièrent à la première poitrine. Que pourraient bien faire d'un bébé tout neuf une postière et un représentant en vin (et en vain) pendant la guerre ? Je me souviens, plus tard, d'une Madame Le Prince qui habitait à Pluméliau, une sombre maison basse à la lisière d'un petit bois ( un taillis peut être !). Quand notre mère venait nous y voir, sa jeunesse (elle devait avoir 30 ans) et sa beauté illuminaient la pièce tant nous l'aimions. La nourrice, un de ces rares jours là, pour honorer la précieuse princesse de nos cœurs, que l'éclat des bougies mettait encore plus en valeur, avait cuit dans le chaudron de la cheminée des pommes de terre boulangère. 60 ans plus tard j'en recherche encore l'odeur. Jamais un plat ne m'a semblé meilleur. Je me souviens d'une Henriette qui le mettait à 3ans 1/2 ans dans la cave noire parce qu'il n'aimait pas le boudin de la même couleur ! Je savais qu'il se passait quelque chose de grave quand plus tard, vers 7 ans, semaine après semaine, son visage encore poupin était baigné de larmes alors qu'il montait dans le car qui le ramenait le dimanche soir à Guidel. Un été, vers 10 ans peut être, il était parti ( comme si l'année scolaire loin de ses parents ne suffisait pas) en colonie avec des garçons de Belz. Il ne connaissait pas leur village et quand dans le car les enfants à tue tête entonnaient : " Non non non, ST Cado n'est pas mort!", leur hymne très local , Lui, il chantait "Sac à dos n'est pas mort ". Il avait bien raison . Ce n'était pas fini. Quand il en était à Quimper( 13 ans, 14) il en avait assez des gendarmes, il jouait au voleur . Quand enfin il revint à Lorient j'étais déjà partie en Amérique. Quand je suis revenue nous étions presque en 68 . Il était sociologue, bientôt éducateur de rues . Il les connaissait bien ces mômes dont on ne s'occupe pas assez , ces mômes qui ont à se construire à partir de ce que des adultes se sont permis de détruire en eux . Quant ils y arrivent. Lui, l'a fait. Après , je l'ai vu ,à deux, puis à trois, marié, père, heureux enfin .J'ai beaucoup d'amour en moi encore en réserve pour l'enfant tout seul qu'il a été et beaucoup de respect pour l'homme qu'il est devenu. Je le trouve plein d'humanité , de bon sens, de gentillesse . Il n'est pas de ceux qui abandonnent.

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