
Nous nous sommes trop bien entendues. Nous étions voisines et copines de chambrée. Et j’ai souvent posé ma tête sur ses genoux afin qu’elle me la caresse de ses mains souples et douces. Pour se déplacer au plus vite , elle se traîne sur les fesses comme les enfants, quand elle est fatiguée de marcher courbée à 45°, a toujours à portée de main un crachoir , un fond de bouteille en plastic dans lequel est astucieusement glissé un pochon régulièrement changé et dans un panier qui ne la quitte pas, elle garde 2 ou 3 fruits ou gâteaux secs et un sac en toile sale plein de vieux flacons et de petites boîtes bien closes . Elle a bien voulu le deuxième jour, en catimini, me montrer ce qu’il y avait dedans. Je m’attendais à ce que ce soit des médicaments mais c’était des herbes séchées, des feuilles de tabac et différentes plantes médicinales et drogues comme on dirait chez nous. Selon l’effet désiré, elle pile l’une ou l’autre les mêlant au tabac qu’elle va chiquer des heures durant. Elle me montre que quand elle veut s’envoler ailleurs elle ajoute cette feuille là, la bien reconnaissable Marie-Jeanne ! Elle a aussi de la valériane pour s’endormir. Et d’autres plantes si elle souffre de rhumatismes. Je me suis régalée près de cette vieille femme affectueuse et encore très agile quand il s’agissait de nouer les cordelettes de bienvenue, l’œil souriant et vif et l’oreille toujours tendue. « Quelle belle vieillesse elle a », me disais-je en pensant aux vieux occidentaux enfermés dans des prisons chères, chics et médicalisées. Elle est laissée libre, complètement, mange et dort à ses heures (Il faut dire qu’ici la cuisine marche 18 heures sur 24) et fait de ses journées ce qu’elle veut, entourée de l’affection vive de tous les siens. Nous avons passé des heures à regarder ensemble jouer ses arrières et parfois arrière - arrières petits-enfants. Le soir on se tenait la main par-dessous nos moustiquaires pour une dernière pression de connivence. Ceux qui me connaissent bien savent combien j’aime les vieilles personnes. Ici j’étais donc comblée entre elles toutes.

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