samedi, novembre 19, 2011

Réussir à Echouer


La question de Claudie, 46 ans :

Pourquoi trouve t-on tellement d'avantages à l'échec ?
Ou, pour le formuler autrement, qu'avons-nous à gagner à échouer (que ce soit dans un cadre professionnel (ne pas arriver à s'élever hiérarchiquement), ou par rapport à son image (je pourrais être plus beau (belle), mais je ne fais rien pour) et bien d'autres domaines encore ?

La réponse de Christophe Fauré / Psychiatre et psychothérapeute

D’une façon très névrotique : oui, vous avez raison – nous pouvons avoir tout à gagner à échouer ! Cela renvoie notamment à la notion de “bénéfices secondaires”. Un bénéfice secondaire, c’est tirer un bénéfice (conscient ou non) d’une situation a priori défavorable, mais dont l’arrêt signifierait la perte du bénéfice en question. Un premier exemple : je m’ennuie dans ma vie conjugale… Mais je jouis d’un réel confort matériel grâce à mon conjoint. Ceci est un bénéfice secondaire que je tiens à conserver, même si c’est au prix d’une vie affective sans relief…
Un autre exemple : être tout le temps en échec (et donc s’en plaindre à qui veut l’entendre) donne un certain statut : celui de victime… Et la victime s’arrangera toujours pour trouver un public bienveillant pour l’écouter et leur témoigner son soutien et son affection : voilà un autre bénéfice secondaire – fédérer autrui autour de soi et de son malheur…
Néanmoins, votre question renvoie essentiellement à la non-prise de risque, dont le fondement est lui-même la peur. Il y a derrière cela l’idée de se préserver, en ne prenant pas le risque de s’exposer à des situations où on craint de ne pas être à la hauteur. Ainsi, en n’osant rien, rien ne se passe : on est rassuré, mais on se retrouve aussi frustré car rien dans sa vie n’avance – oui : c’est profondément idiot, mais beaucoup d’entre nous fonctionnent sur ce schéma !
Une autre façon d’envisager le besoin de l’échec est de considérer que ce dernier est peut être plus facile à assumer que le succès ! Il faut en effet assumer la culpabilité (plus ou moins consciente) face à des proches qui n’ont, par exemple, pas aussi bien réussi que soi dans telle ou telle entreprise, l’échec étant alors un moyen idéal de se saboter soi-même, en s’affranchissant ainsi de la culpabilité. On peut aussi inconsciemment redouter la solitude ou l’exclusion qui découle d’une position de succès, dans un environnement où autrui ne réussirait pas autant et nourrirait même une certaine jalousie…
Pour continuer votre réflexion sur ce vaste sujet, je vous invite à lire un des ouvrages de Paul Watzlawick : “Comment réussir à échouer” et “Faites-vous même votre malheur ” aux éditions du Seuil. C’est un thérapeute de renommée mondiale, spécialiste de la question du changement et de la résistance au changement. Ce livre sera, pour vous, riche d’enseignements…
Extrait du Magazine Psychologie Juillet 2009,  transmis par Véro Héno 

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